« Le coeur battant de nos mères » ou plutôt les mères (nom original « the mothers ») , est la version black des romans napolitains d’Elena Ferrante.
Dans une communauté religieuse californienne deux amies Nadia et Aubrey 17 ans, sans mères, – l’une s’est suicidée,
« Et puis, un jour, la main de sa mère avait disparu et Nadia était tombée par terre, avec fracas. »
l’autre a rejeté sa fille.
Un avortement et un mec plutôt tordu Luke fils du pasteur de la commune. Il y aura donc toutes les combinaisons possibles. C’est explosif surtout lorsque Nadia s’aperçoit que son amie va accoucher d’un enfant de Luke alors que le sien a été « tué » .
« Mais elle n’a pas encore appris les mathématiques du chagrin. Le poids de ce qui a été perdu pèse toujours plus lourd que ce qui reste. »
« J’ai couché avec le marié », lâcha-t-elle. Shadi resta muet, si longtemps qu’elle pensa qu’il s’était endormi. « Quand ça ? — Il y a quatre ans. — Bah, c’était il y a quatre ans. — Et il va épouser ma meilleure amie. Ça ne te ferait pas chier si j’avais couché avec ton meilleur pote ?
Mais Audrey n’est pas dupe ! » C’est mon mari qui me fait du mal. Il croit que je ne sais pas qu’il en aime une autre. »
A la lecture du roman on s’aperçoit que Nadia est black, puis Audrey aussi, et l’écrivaine du roman aussi.
Ce qui m’a marqué particulièrement dans ce roman c’est la manière dont elles perçoivent la vie et le racisme environnant.
« Tu vois cette fille là-bas, disait Luke à un serveur qui passait, ce sera la première Présidente noire, tu verras. On prédisait la même chose à toutes les jeunes filles noires un peu douées. «
« Les jeunes Noirs ne pouvaient pas se permettre d’être intrépides, avait-elle essayé de lui expliquer. Les jeunes Blancs intrépides finissaient politiciens ou banquiers, les jeunes Noirs finissaient à la morgue.
« Elle ressentait une forme sournoise de racisme : une attente plus longue pour qu’on vous dirige vers une table au restaurant, des jeunes Blanches qui ne déviaient pas de leur chemin, afin qu’elle marche sur la partie boueuse du trottoir, et un garçon ivre devant un club de salsa qui lui lançait qu’elle était « jolie pour une Noire ». En un sens, ce racisme subtil était pire car il vous rendait fou. Vous passiez votre temps à vous demander : est-ce vraiment du racisme ? Ou bien un effet de mon imagination ?
« — Tu ne voudrais pas un fils ? — Trop dangereux. Les jeunes Noirs sont des cibles humaines. Au moins, les filles ont une chance. — C’est pas vrai. — Qu’est-ce qui n’est pas vrai ? Pourquoi je me suis engagé à ton avis ? Mon vieux m’a dit : apprends à tirer avant que les Blancs te tirent dessus, et c’est ce que j’ai fait. Je suis allé jusqu’en Irak, mais je pourrais me promener dans la rue, ici, et recevoir une balle dans la tête. Tu sais pas ce que c’est. »
Brit Bennett est une excellente transmetteuse de sensations et impressions .
« Elle-même avait été l’erreur de sa mère. »
« Pour une fille, la première fois était censée faire mal. C’était en supportant la douleur que l’on devenait femme. La plupart des moments importants dans la vie d’une femme s’accompagnaient de la souffrance, comme le premier rapport sexuel ou l’accouchement. Pour les hommes, c’était orgasmes et champagne. »
« Il avait côtoyé la mort. Il savait que ne pas en avoir peur n’était pas une preuve de courage. Que ceux qui ne craignaient pas la mort ignoraient tout de sa réalité »
Au café, secret d’un garçon de café
OK. Le pain, alors ? — Si tu finis pas ton pain, ils le refilent à une autre table. Et toi, tu touches le même pain qu’un type qui s’est gratté les couilles toute la journée. »
Après les napolitaines de Ferrante , voici donc les jeunes black américaines de Bennett, la vie trépignantes des jeunettes et le dur passage à l’age des responsabilités. La vie, quoi ! » « Les mères » aurait pu s’appeler aussi ‘L’amie prodigieuse » .
Note: 7/10 sur l’échelle RG.