Avec la disparition de Philip Roth, j’ai commandé en bibliothéque plusieurs de ses livres que je n’avais pas lu, et je me suis retrouvé cet été innondé par les livres et les e-books de Roth, je n’avais pas le temps de finir un qu’un autre ou plusieurs autres arrivaient. Que faire ? J’ai donc passé un été avec Roth jusqu’à craindre que je n’en devienne obsédé, j’ai lu, j’ai parcour-lu, j’ai refermé et même balancé certains.
J’ai un besoin de me liberer de Roth pour quelques temps car son emprise sur moi m’étouffe tout comme cette chaleur infernale de l’été, j’ai besoin d’air frais, de lire d’autres écrivains, de changer de longueur d’ondes et sentir le debut de l’automne.
Voici donc ce que j’ai grosso-modo retenu de ces lectures
La complainte de Portnoy , 1967
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J’appelerais donc ce roman d’apres la traduction de l’original anglais Portnoy’s complaint plutot que Portnoy et son complexe.
Hilarant, affolant, même avec une lecture 50 ans aprés sa parution en 1967, Roth a alors 33 ans c’est important à noter.
C’est du Woody Allen version roman, c’est la realité de Roth jeune, adolescent obsédé par le sexe et les femmes, meme avec un ajout de fiction accrochee à une fusée supersonique. Il y a de tout dans ce roman, et Roth saute d’un evenement à un autre, d’une personne à un autre. Le Roth explose car c’est sa periode douloureuse et tumultueuse qu’il evoque beaucoup chez son psycho avec sa blonde surnommee le Singe, vraiment original comme surnom.
Realité, fiction, famille, religion, obsessions, tout se retrouve dans ce roman.
Il y a des paragraphes durs ou sales ou vicieux ou ecoeurants , mais il y a du Freud, de l’analyse de l’homme, de l’humour, de tout et encore une fois Roth m’échappe, je n’arrive pas à le contenir ou à le definir, mais içi je dirais qu’il s’agit d’un génie fou qui s’explose et se tassera dans ses prochains romans mais ici c’est encore les assauts répétés du désir sur la conscience orchestrés par Philip Roth.
La culpabilité, les angoisses, la terreur qu’on m’avait inculqué jusqu’à l’os! Qu’y avait-il dans leur monde qui ne fut chargé de risques, débordant de microbes, truffé de périls?
L’écrivain des ombres, 1979
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bof vraiment bof, plutot plat comme scénario.
Exit le fantome , 2007
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Immunisé ? Zuckerman est en proie à un ultime coup de foudre, age faisant il ne reste que des fantasmes.
Jamie, elle exerçait une puissante force d’attraction sur moi, une force gravitationnelle sur le fantome de mon desir. Cette femme était en moi avant meme d’etre apparue>
Tromperie, nom original: Deceptions , 1990
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Conversations lapidaires entre Philip et diverses femmes sur fond des obsessions habituelles de Roth – le sexe, l’adultère, la fidélité, l’antisémitisme et la littérature –,
le vrai sujet étant l’exploration des recoins obscurs des vies et des âmes, des confins flous entre le réel et l’imaginaire.
Aurait pu être interessant en 1990, aujourd’hui bof donc je cesse de le lire apres quelques pages.
La bête qui meurt, 2001
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À l’orée de la vieillesse, David Kepesh, esthète attaché à sa liberté et séducteur exigeant,rencontre parmi ses étudiantes Consuela Castillo, vingt-quatre ans, fille de riches émigrés cubains, « émerveillée » par la culture. Et découvre la dépendance sexuelle…..
Je n’étais plus dans la phase de la vie où on croit que tout vous est possible
Or moi, je suis sensible à la beauté féminine, tu le sais. Chacun ses faiblesses : tellebest la mienne…
Elle, elle découvrait Vélasquez, et moi je redécouvrais l’imbécillité délicieuse du désir érotique.
Est-ce que les hommes trouvent les femmes aussi magiques quand il n’y
a plus de sexe entre eux ? Est-ce que quiconque trouve l’autre magique s’il n’y pas densexe à la clé ?
Loin de te sentir rajeunir, tu mesures l’écart poignant entre son avenir illimité et les bornes du tien.
Le mariage comme remède à la jalousie.
Voilà pourquoi tant d’hommes le recherchent.
Parce que c’est seulement quand tu baises que tu prends ta revanche, ne serait-ce qu’un instant, sur tout ce que tu detestes et qui te tient en échec dans la vie.
C’est là que tu es le plus purement vivant, le plus purement toi-même. Ce n’est pas le sexe qui corrompt l’homme, c’est tout le reste. Le sexe ne se borne pas à une friction, à un plaisir épidermique. C’est aussi une revanche sur la mort. Ne l’oublie pas, la mort.
Soit on impose ses idées à autrui, soit il vous impose les siennes. Qu’on le veuille ou non, c’est ainsi.
On rencontre toujours des forces adverses, si bien qu’à moins d’être un inconditionnel de la soumission, on est toujours en guerre.
Patrimoine, une histoire vraie (mémoires), 1991
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Ici ce n’est plus de la fiction, c’est une histoire vraie de la fin de vie de son propre pére que Roth nous raconte avec toutes les horreurs de la vieillesse, de la maladie, de la fin….
Mais de notre père, comme il était notre père, on n’aurait pu attendre qu’il comprît. Il ne comprenait, comme nous tous d’ailleurs, que ce qu’il comprenait, mais cela, il le comprenait farouchement la simple acceptation du fait que les gens sont différents et que cette différence est légitime. Mais ça, il n’arrivait pas à le saisir.
Tout le monde devait travailler de la même manière, désirer de la même manière, manifester son zèle de la même manière, et quiconque dérogeait étaitmeshugge – cinglé
Il allait devoir affronter une nouvelle épreuve, et devoir affronter des épreuves n’autorise pas le désespoir.
Cela requiert plutôt ce mélange de défi et de résignation dont il avait appris à user pour faire face aux humiliations de la vieillesse
Pourquoi un homme devrait-il mourir ? Elle avait, cette question,
de quoi mettre n’importe qui en fureur. Il était indispensable, bon Dieu de bon Dieu, sinon maintenant aux autres, du moins à lui-même ! Alors, pourquoi un homme devrait-il mourir ? Qu’un être intelligent y réponde, à cette question !
Le théatre de Sabbath, 1995
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600 pages, j ai vite laché, trop de sexe et histoires perverses.
Parlons travail, 2001
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Là, j’ai senti l’écrivain et les écrivains que Roth a interviewé comme Primo Levi, Kundura, Aharon Appelfeld ect …
Ce n’est plus de la fiction, c’est aprofondi car des intellectuels se cotoient, beaucoup d’idées, de bonnes idées , c’est superbe.
Les Juifs italiens, mais on pourrait en dire autant des Juifs de
bien des pays, ont largement contribué à la vie culturelle et politique de leur patrie sans renoncer à leur identité, et même en gardant foi dans leur tradition culturelle. Posséder deux traditions, comme c’est le cas des Juifs, mais pas d’eux seuls, est une richesse ; pour les écrivains, mais pas seulement pour eux.
Primo Levi
La réalité, je ne vous l’apprends pas, est toujours plus forte que l’imagination humaine ; et par-dessus le marché, elle peut se permettre
d’être incroyable, inexplicable, hors de proportions. La fiction, hélas, ne jouit pas d’une telle licence.
Aharon Appelfeld
J’ai appris l’hébreu à la sueur de mon front.
C’est une langue difficile, sévère, ascétique ;
elle a pour fondement l’antique proverbe de la Mishna :
« Le silence est le rempart de la sagesse. » La langue hébraïque m’a appris à
penser, à être économe de mes mots, à ne pas me répandre en adjectifs, ne pas trop intervenir, ne pas trop interpréter.
L’hébreu m’a offert le cœur du mythe juif, sa manière de penser, de
croire, depuis la Bible jusqu’à Agnon – cinq mille ans de créativité juive, à la trame serrée, avec ses hauts et ses bas : la langue poétique de la Bible, la langue juridique du Talmud et la langue mystique de la Kabbale. Cette richesse n’est pas d’un maniement facile. On est parfois suffoqué par une pléthore d’associations, par la multitude de mondes que recèle un seul vocable. N’empêche qu’on a là des ressources fabuleuses, et qu’on y trouve plus que son compte
L’activité frénétique qu’on voit régner ici ne procède pas seulement de la pression extérieure. L’agitation juive proverbiale y a peut-être sa part. C’est une ruche, ici, tout est intense, on parle beaucoup, les controverses font rage, le shtetl n’est pas mort.
Aujourd’hui c’est la rédemption, demain ce sera l’obscurantisme.
L’Holocauste appartient à ce type d’expérience hors norme qui réduit au silence. Toute déclaration, tout énoncé, toute « réponse » ne sauraient être qu’infinitésimaux, absurdes, voire ridicules. La plus vaste des réponses paraîtrait mesquine.
Aharon Appelfeld
KUNDERA : Le sentiment que le monde court à sa perte est très ancien.
ROTH : Alors, aucune raison de s’en faire.
KUNDERA : Si, au contraire. Pour qu’une peur habite l’esprit humain depuis les âges les plus reculés, il faut bien qu’elle ait un fondement.
La vie humaine est bornée par deux abîmes : d’un côté le fanatisme, de l’autre le scepticisme absolu.
Kundera
L’homme est confronté à ce grand problème privé : la mort comme perte du « moi ». Mais qu’est-ce que ce « moi » ? C’est la somme de tout ce que nous nous rappelons. Ce qui nous terrifie dans la mort, ce n’est pas la perte de l’avenir, mais la perte du passé. L’oubli est une forme de mort toujours présente dans la vie.
La bêtise des hommes vient de ce qu’ils ont réponse à tout. La sagesse du roman, c’est d’avoir question à tout. 7
En tout cas, il me semble qu’à travers le monde les gens préfèrent aujourd’hui juger plutôt que comprendre, répondre plutôt que demander, si bien que la voix du roman peine à se faire entendre dans le fracas imbécile des certitudes humaines.
Moi, je fuyais les retombées de Portnoy et son complexe, dont la publication m’avait valu une réputation aussi instantanée que sulfureuse de pervers sexuel. À Manhattan, il était devenu difficile d’échapper à cette notoriété, et j’avais donc décidé de larguer les amarres
Roth
Bien, j’attends donc la fin de la canicule d’été, je quitte pour longtemps Roth et ses oeuvres, je crois que Roth est l’écrivain dont j’ai lu le plus de romans.
Good Bye Colombus !