Pour la première fois dans l’histoire, l’antisémitisme est devenu global. Passé de la droite à la gauche en Occident, il rejoint l’antijudaïsme de l’Islam radical. Distinct de l’antisionisme jusqu’à récemment, il va maintenant de pair avec lui.
L’antisémitisme nouveau est postmoderne. C’est un syncrétisme, un mélange disparate de causes justes et de prétentions totalitaires. Il défend pêle-mêle l’environnement, les pays sous-développés, l’islamisme et les idéaux égalitaires de la gauche ; il professe le pacifisme dans le même souffle qu’il s’accommode de l’attentat suicide comme « arme des faibles » ; il condamne la mondialisation sauvage et le capitalisme, mais aussi la « conspiration juive » comme concurrente des aspirations avouées des djihadistes d’établir une « République islamique » à l’échelle de la planète ; il pourfend l’Occident et son appendice « impérialiste » Israël, dont l’existence même lui semble une violation intolérable de la « terre d’Islam », terre pourtant elle-même conquise par l’impérialisme arabe, puis musulman, à partir du VIIe siècle.
Polyvalent dans son discours syncrétique, l’antisémitisme du XXIe siècle regroupe tactiquement les mouvements les plus hétéroclites : l’islamisme radical (qu’il soit chiite, comme celui du Hezbollah ou d’Ahmadinejad, qui réclament l’anéantissement d’Israël, ou sunnite, à l’instar du Hamas, dont le but est de tuer tous les juifs de la terre) ; la droite révisionniste, qui met en doute la réalité de l’Holocauste bien que l’Allemagne elle-même reconnaisse l’avoir perpétré et enseigne ce fait dans ses écoles ; le mouvement altermondialiste, auquel appartiennent des juifs de gauche, qui dénonce la protection excessive que recevrait Israël des États occidentaux, tout en disant ce pays trop petit (tiny) pour pouvoir résister à un boycottage qu’il appelle de tous ses voeux ; des pacifistes de la trempe de ces Québécois qui prêchent la retenue aux Israéliens victimes des roquettes palestiniennes depuis huit ans mais qui, exaspérés après seulement quelques jours d’un blocus établi par les « Warriors » mohawks, lançaient des pierres sur les voitures évacuant des grands-mères amérindiennes de Kahnawake.
Il y a aussi les Chamberlain de notre époque, tel Jimmy Carter qui, n’ayant rien appris de la prise en otages des membres de l’ambassade américaine par Téhéran pendant sa présidence, affirme aujourd’hui croire en la parole du Hamas qui lui a promis de tenir un référendum à Gaza et en Cisjordanie, ce Hamas même qui massacra ses opposants du Fatah un an après avoir pris le pouvoir démocratiquement.
note: cet extrait est tire de l’article de Lise Noël ( historienne et auteure de L’Intolérance. Une problématique générale) dans ledevoir.com d’aujourd’hui.