Le dernier hiver du Cid de Jérôme Garcin

Il y a soixante ans, le 25 novembre 1959 disparaissait Gérard Philipe. Il avait 36 ans à peine, mais une incroyable carrière au théâtre, au cinéma, engagé socialement et politiquement.
Enfant j’ai admiré Gérard Philipe, un de mes premiers films que j’ai vu en salle “Fanfan la Tulipe” m’a émerveillé, il était intrépide, courageux, un modèle pour les enfants de l’époque. Nous chantions “En avant Fanfan la tulipe, en avant…”
Ma mère m’a prénommé Gérard certainement en son honneur, et elle voyait souvent en moi un petit Gérard Philipe.
Bref, j’ai ensuite grandi avec sa grande absence, il avait disparu et je n’ai jamais su comment jusqu’à la lecture du “le dernier hiver du Cid” écrit par son beau-fils Jérôme Garcin qui a épousé sa fille Anne-Marie Philipe, et aujourd’hui nous conte ses dernières semaines, la découverte subite d’un cancer du foie, maladie qui jusqu’à aujourd’hui ne laisse que très peu de temps de survie au patient.
Mais ce qui m’a marqué c’est le parallèle avec l’histoire de mon beau père Haim z’l quand le chirurgien nous a annoncé et nous a assommé en déclarant qu’il lui restait moins de six mois à vivre, et aussitôt la décision familiale de lui cacher le nom et l’ampleur de cette horreur, tout comme cela s’est produit pour Gérard Philipe. Identique avec 26 ans d’écart !

Le cancer de votre mari est très rare, il n’en existe qu’une poignée de cas dans les annales de la médecine. » La tumeur est trop grosse, le mal irréversible. L’ablation n’y changerait rien. Deux des médecins baissent les yeux. Emmitouflée dans son manteau, insensible à la chaleur, au monde réel, Anne est immobile, muette, ses pieds semblent coulés dans du ciment frais.
Le silence s’abat soudain sur cette pièce à côté de laquelle dort, d’un sommeil artificiel, dans la grande nuit de l’ignorance, l’homme de sa vie.

Elle regarde droit le chirurgien et, sur un ton sec qui appelle une réponse sèche, demande simplement : « Combien de temps ? » « De quinze jours à six mois. Six mois maximum. » Ce n’est pas un pronostic, c’est une sentence, et elle est sans appel.
Elle comprend : plutôt quinze jours que six mois. L’avenir, c’est donc demain. Une question d’heures. Le temps d’un soupir. « Et vous ne pouvez pas faire qu’il ne se réveille plus puisqu’il dort encore ? » « Non, madame.

Elle prend alors, à haute voix, sa décision : « Il ne saura pas. »

Ces lignes m’ont faites couler des larmes.

fanfanlatulipe

Mais je reviens au roman, bien écrit, une recherche du moindre mot, c’est presque de la prose.

Ce n’est pas, il en rêve si souvent, il en connaît les moindres allusions. Il la regrette déjà, la fatigue des jours heureux.

Il y a beaucoup de fiction, de narrations inventées pour les besoins de la cause, mais ce qui compte c’est l’impression, l’impression de ce qu’ont pu être les dernières semaines et les derniers jours du grand et doué Gérard Philipe. Il était un favorisé jusqu’au jour où le ciel lui est tombé sur la tête.

« Parmi les heureux de la terre, ne considérez personne comme favorisé du sort avant qu’il ne soit mort.» Euripide

Note 7/10 sur l’échelle RG, en résumé un bel hommage à Gérard Philipe.

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