Israel: état des lieux et état d’esprit qui règnent après 70 jours de guerre

PS:cet article a été écrit par Ron Ben Ichai*, je l’ai traduit et le reprends partiellement parce qu’il exprime réellement et profondement l’état des lieux et l’état d’esprit qui règnent en Israel après 70 jours de guerre.

Personne ne sait quand cette guerre prendra fin. Il est difficile d’en voir l’image finale en ce moment. Il est encore impossible de savoir si le front nord prendra feu ou non, ce qui sera fermé avec les Houthis et si la poudrière de Judée-Samarie explosera. Nos vies sont pleines de points d’interrogation. Notre humeur va d’une dépression profonde à une dépression plus profonde. Notre bulle a éclaté. L’illusion qu’il est possible de mener une vie relativement normale ici et de manœuvrer d’un round de combat à l’autre sans s’engouffrer s’est évaporée.

En fait, ce n’est pas exact ! Le tableau n’est pas si noir. Il y a des sections grises qui deviennent plus claires. Il y a pas mal de points de lumière, qui augmentent et se multiplient. Parce que ce que nous savons, c’est qu’Israël se bat. L’addiction à la tranquillité a disparue. La volonté de payer un prix pour vivre ici a été renouvelée. Pendant trop longtemps, nous avons marché sur la pointe des pieds, en essayant de ne pas faire tanguer le navire, en payant des pots de vin à nos voisins, en faisant attention de ne pas trop brusquer ceux qui nous haïssent, en faisant tout pour que l’illusion de calme perdure pendant une autre année, un autre mois, un autre jour.

Pendant la deuxième guerre du Liban, le pays était paralysé, gelé et pétrifié face aux 8 morts à Maroun a-Ras. Dans toutes les rounds à Gaza, les responsables politiques (presque toujours c’était Netanyahou) étaient saisis d’horreur à l’idée que des centaines de soldats seraient tués si nous osions envisager d’éliminer le Hamas. Nasrallah est devenu notre menace officielle. Nous attendions ses discours comme un accusé attend son jugement, tout comme un contribuable attend l’avis de l’agent fiscal.

Donc ça y est, ca aussi c’est fini! La catastrophe du 7 octobre a balancé tout cela.

Mardi dernier, 10 officiers et combattants sont tombés dans une bataille féroce à Sujaiya. La plupart d’entre eux sont originaires de Golani. Un tel événement, il y a un an, aurait paralysé Israël pendant deux ans. Plus maintenant. Nous avons ravalé nos larmes, nous nous sommes raclés la gorge, nous nous sommes pincé les lèvres et nous avons continué.
Oui, nous atteindrons bientôt les 500 soldats morts (près de 80% d’entre eux sont tombés le 7 octobre), mais personne n’envisage de baisser les bras, de sombrer dans un désespoir et de rentrer à la maison la queue entre les jambes. Et nous n’avons même pas encore parlé des civils qui ont été massacrés en masse le Shabbat du 7 octobre.

Nous ne devons pas oublier que c’est ce que nous faisions depuis des générations. Toutes les rounds à Gaza étaient une honte. Toutes les attentions faites à Nasrallah étaient une honte. Notre société d’abondance croyait qu’il était possible de continuer à tricher avec la météo et forcer les cartes.
Les deux derniers mois nous ont appris qu’il y a une limite à chaque ruse, et maintenant nous sommes dans une deuxième guerre d’indépendance, après laquelle, prions pour, les choses seront complètement différentes.

Les bonnes nouvelles: toute la région le regarde et le voit. On voit Israël payer un lourd tribut à Gaza, mais sans cligner des yeux. On voit un Tsahal puissant opérant sa machine de guerre imparable, insensible aux jours difficiles. On voit le public payer des prix inimaginables, mais ne pas baisser la tête. Ce que le monde voit, c’est un pays invincible qui revient à lui-même.

Les démonstrations d’héroïsme sont étonnantes. Pas seulement de la part des combattants. Des habitants et des civils qui se sont battus pour leur vie, des escouades d’alerte, des braves policiers, tous ceux qui ont sauté de la maison le 7 octobre et se sont précipités vers le sud pour arrêter les sauvages avec leurs corps. Pas de questions posées, pas de calculs et pas de remise en question . Et même notre société civile est également en train d’émerger en force. L’engagement de tous dans l’effort de guerre, la créativité, le volontariat, la détermination et le courage. Tout cela est sans précédent

Il n’y a pas une autre armée dans le monde où le pourcentage d’officiers tombés au combat est si élevé. Il n’y a pas d’autre armée au monde où le terme « après moi » est aussi réel et concret. C’est ainsi que le commandant du bataillon 13, le lieutenant-colonel Tomer Greenberg, et le commandant du bataillon 53, le lieutenant-colonel Salman Habeka:
Un Kibboutznik et un Druze. Un Golani et un Tankiste. Dans leur vie et leur mort, ils ne se sont guère séparés. C’est ainsi que le major Ariel Ben-Moshe, de l’unité de l’Etat-major général, a tout quitté ce Shabbat pour foncer vers le Sud. Sa mère, Galit Waldman, nous a tous glacés lorsqu’elle a dit après sa chute qu’elle n’était pas en deuil maintenant, parce que maintenant nous devons gagner. Elle fera son deuil plus tard.

L’alliance israélienne vit, encore, toujours en marche, et combat aussi. Avec les manifestations hebdomadaires l’an passé il y a eu des essais de nous défairer ici en nos composantes. Ils ont essayé de séparer les combattants des officiers, entre gauchistes et de droite, entre religieux et laïcs, entre ashkénazes et séfarades. Pendant un moment, cela a semblé fonctionner. Mais quand nous avons été appelés au champ de bataille, cela a échoué.
À l’hôpital de réadaptation de Sheba, j’ai rencontré deux combattants. L’un d’eux, le fils d’un ami très cher, m’est bien connu. Officier de reserve dans les blindés . Ashkénaze, une famille très bien établie, des opinions politiques de centre-gauche. Il a été grièvement blessé. Son ami est religieux, colon, avec de longues perruques (et une guitare). De droite, peut-être même ultra-orthodoxe. Ils s’étreignirent. Il était impossible de se méprendre sur l’amitié qui régnait entre eux. Lorsque vous êtes assis dans le même tank, que vous portez la même civière ou que vous prenez d’assaut le même tunnel à Jabaliya, vous n’êtes ni religieux ni laïc, de droite ou de gauche. Vous êtes Israélien.

Cette guerre ne peut se terminer par aucun autre résultat que la victoire. Cela doit être clair. Elle ne peut faire l’objet d’interprétations. Elle devrait inclure la mort violente de tous les dirigeants du Hamas, de toutes les armes et de toutes les formations, cela devrait inclure le meurtre ou la capture de la grande majorité des membres de la force Nukhba, les nazis d’aujourd’hui. Il devrait inclure le Hamas sans pouvoir à Gaza le lendemain. Il est préférable de le faire le plus vite possible . Celui qui pensait que nous aurions tout le temps du monde se trompait. Il ne faut pas quitter des yeux la balle et la cible.

Un résultat clair, décisif et sans équivoque remodèlera la dissuasion israélienne dans l’espace violent dans lequel nous vivons. Un espace où il n’y a pas de place pour les faibles, les hésitants ou les «fatalistes ».

PS: * journaliste et analyste militaire

Laisser un commentaire