Madame Hayat

Les films turcs avaient plutôt mauvaise réputation dans ma jeunesse.   Là, avec le roman “Madame Hayat” du turc Ahmet Altan nous voici avec un véritable chef d’œuvre, je l’ai relu avec plaisir 2 fois et j’ai regretté 2 fois d’avoir à le refermer à la dernière page.
C’est un roman à plusieurs dimensions, les amours du jeune Fazil qui me rappelle Solal, dans Belle du Seigneur d’Albert Cohen, les problèmes sociaux politiques dans la Turquie du tyran Erdogan et ce sans que l’auteur n’ait à citer une seule fois son nom, une troisième dimension est la place de l’ écrivain et de la littérature dans notre société moderne, enfin une 4eme dimension plus philosophique sur l’homme et sa nature. Amours, politique, littérature, philosophie, le tout s’enchevêtrant, il n’est que juste mesure qu’Ahmet Altan ait reçu nombre de prix et en dernier le Femina 2021. Je ne peux que réaffirmer que “Madame Hayat “ est un chef d’œuvre surtout à une époque où les bons écrivains sont une espèce en voie de disparition particulièrement dans la sphère francophone.

1ere dimension, les amours, parce qu’il y a en a 2 en parallèles mais le plus profond, le plus marquant c’est avec Madame Hayat qui le surnomme Marc Antoine. C’est beau, ca fait rêver , d’ailleurs qui n’a pas pas rêvé d’une Madame Hayat dans sa jeunesse,  eh bien la voici présentée par Ahmet Altan. Je n’ai rien à ajouter je vous laisse apprécier……… , pour moi c’est un retour au Solal d’Albert Cohen

Néanmoins, il ne m’était pas dur de deviner que la femme sur scène avait entre quarante-cinq et cinquante-cinq ans.

Il y avait tant de choses dans son rire : les oiseaux du matin, des éclats de cristal, l’eau claire qui cascade sur les pierres d’un torrent, les clochettes qu’on accroche aux arbres de Noël, une bande de petites filles courant main dans la main.

Son visage était illuminé par une forme de maturité espiègle, elle n’était pas belle à proprement parler, mais elle avait quelque chose de plus attirant encore que la beauté, un pétillement de vitalité qui annonçait autant de hauteur et de moquerie que de tendresse désintéressée, comme devinant toutes les nuances de l’âme humaine, et qui vous attirait autant qu’il vous invitait à rester sur vos gardes.

madame Hayat

Et à la voir et à l’entendre, on aurait dit que Dieu avait créé l’univers seulement pour divertir madame Hayat, et que ce plaisir suffisait à justifier sa Création.

Entre ses bras, contre son sein, la peur et l’angoisse, le passé et l’avenir s’évanouissaient, il n’existait plus qu’une solitude peuplée de lumière, une obscurité lourde de désir

Tout ce qu’elle désirait, elle le désirait avec passion : une lampe, danser, moi, une pêche, faire l’amour, un succulent repas… Mais je sentais qu’elle était aussi capable de laisser tomber ce qu’elle avait passionnément désiré avec un désintérêt qui égalait en force le désir. Elle se comportait comme si elle était dotée du droit de tout vouloir et douée de la force de tout abandonner. Et je crois que l’illimitation naturelle de ses désirs avait précisément sa source dans la foi qu’elle avait de pouvoir s’en défaire. Si elle perdait cette foi dans l’oubli, elle cesserait aussitôt de vouloir

Du reste, mon expérience avec elle m’avait appris qu’il suffisait que je la touche pour que la moindre de mes émotions se changeât en désir. Tel était le miracle qui advenait quand on entrait dans l’orbe de la déesse. Tout se transformait sans efforts en un vertigineux tourbillon de volupté.

Elle était mon Merlin l’enchanteur, ma déesse Hécate, je ne pouvais me libérer de ses charmes, le bonheur qu’elle m’avait donné, personne d’autre ne pourrait me le donner. À présent je le savais. Et de me sentir ainsi attaché à elle me donnait l’étrange assurance de ne jamais la perdre.

Avec cela il y a un autre amour avec une jeune étudiante de son age, sérieux et intellect se croisent mais devant Madame Hayat tout s’évapore……

A suivre … deuxième dimension: le politique

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